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L'Île des esclaves

Marivaux, 1725

1) Le titre de l’œuvre

L'Ile des esclaves

2) Le nom de l’auteur

Marivaux

3) La date de première représentation

- Jouée pour la première fois en 1725 par les Comédiens-Italiens, la pièce est l’un des plus grands succès de Marivaux.

4) Le contexte

Que retenir à propos de Marivaux (Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux) ?
- Marivaux possède une œuvre riche et variée : trente-huit pièces de théâtre (dont une seule tragédie), sept romans, de nombreux essais et articles de journaux.
- Il écrit au moment de la querelle des Anciens et des Modernes qui oppose depuis le XVIIème siècle les partisans d’une tradition classique prônant l’imitation des œuvres de l’antiquité et les partisans d’une création moderne fondée sur l’innovation. Marivaux s’engage aux côté des Modernes.
- Il renouvelle ainsi le genre de la comédie et du roman, mais aussi le travail sur la syntaxe et le lexique de l’analyse des sentiments. Il donne son nom à un style, « le marivaudage ».
Que retenir à propos du siècle de Marivaux ?
- De 1715 (mort du Roi-Soleil) à 1723, le pouvoir est exercé par le duc d’Orléans. Cette période que l’on appelle « La Régence » se caractérise par une réaction des aristocrates contre la monarchie absolue et un désir de liberté des mœurs. Les comédies de Marivaux témoignent de ce goût du jeu et des plaisirs, même si elles critiquent le libertinage et la coquetterie en valorisant l’authenticité des sentiments et le langage du « cœur ».
- La régence est aussi une époque de croissance commerciale et de spéculation, à l’origine de la ruine de Marivaux et de nombreux bourgeois et aristocrates. La hiérarchie sociale, loin d’être figée, peut être bouleversée, comme l’illustrent les nombreux échanges de statuts sociaux dans les comédies de Marivaux.
- L’essor de l’économie et du commerce extérieur se poursuit tout le siècle (commerce triangulaire : changes d’esclaves noirs des colonies contre des marchandises entre l’Europe, l’Afrique, et les Amériques).
Que retenir à propos des Lumières ?
- Le discrédit de la monarchie absolue, le désir de liberté, et la remise en cause de l’ordre social favorisent l’émergence de pensées nouvelles, contestataires.
- A l’époque de Marivaux, les débats s’animent dans les salons, les clubs, les cafés…dont le théâtre va faire l’écho.
- L’esprit critique envers les institutions et les traditions, la revendication de justice et de liberté va constituer par la suite le mouvement des Lumières, autour des œuvres des philosophes des Lumières comme Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau et Beaumarchais.
Que retenir sur le théâtre au XVIIIème siècle ?
- Le XVIIIème siècle adore le théâtre ! C’est un haut lieu de sociabilité, en accord avec le goût des plaisirs et du divertissement.
- Les grands modèles du siècle classique (Corneille, Racine, Molière) perdurent mais de nouvelles formes apparaissent : le drame « bourgeois » (Diderot, Le fils naturel, 1757, Beaumarchais, La Mère coupable, 1792) va entraîner le déclin de la tragédie et la comédie va se renouveler en ne représentant plus des types de l’humanité mais des personnages et des situations caractéristiques de la société du XVIIIème siècle.
- A Paris, trois formes de théâtre sont jouées par des troupes spécifiques :
• Les « Comédiens-Français » sont les gardiens de la tradition et reprennent les pièces du XVIIème siècle.
• Les « théâtres de la Foire » présentent des spectacles populaires. Ils sont interdits de paroles, ils miment, utilisent des écriteaux et utilisent le vaudeville (couplets chantés).
• La troupe des « Comédiens-Italiens » reprend la tradition de la commedia dell’arte, née en Italie au XVIème siècle, qui met en scène des personnages stéréotypés et se fonde sur un jeu improvisé à partir d’un canevas, exploitant le registre de la farce et le comique gestuel. Dès 1720, Marivaux est l’auteur de cette troupe des « Comédiens-Italiens ».
Que retenir sur le genre de l’Utopie ?
- C’est un genre créé par l’Anglais Thomas More avec son Utopia en 1516, pendant la Renaissance. Il décrit un lieu idéal sur une île imaginaire, qui n’existe pas.
- Le goût pour l’utopie dans la littérature provient du plaisir de voyager dans des contrées inconnues mais aussi du souhait de réformer la société selon un idéal social, politique et économique.
- L’utopie permet de critiquer le réel de manière efficace : Rabelais, Fénelon, ou encore Voltaire s’y sont exercés.

5) Les personnages et le résumé de la pièce

Qui sont les personnages de la pièce ?
Iphicrate, maître d’Arlequin, venu d’Athènes. Son nom tiré du grec signifie : « celui qui gouverne par la force ».
Arlequin, valet d’Iphicrate, personnage typique de la commedia dell’arte, connu pour sa bouffonnerie.
Euphrosine, maîtresse de Cléanthis, venue d’Athènes. Son nom grec signifie « pleine de joie », ce qui souligne sa légèreté de femme coquette. Dans la mythologie grecque, E est l’une des trois Grâces.
Cléanthis, suivante d’Euphrosine. Son nom grec signifie « fleur de gloire », qui renforce l’insoumission et l’intransigeance de son caractère.
Trivelin, gouverneur de l’île des esclaves, ancien esclave d’Athènes, personnage typique de la commedia dell’arte. Habituellement un rôle de valet insolent et rusé, il devient dans la pièce un meneur de jeu respectable et raisonnable.
Des habitants de l’île.
Passons au résumé scène par scène. Il s'agit d'une pièce en un acte et en prose, qui comprend 11 scènes.
Décor : 1 mer et des rochers d’un côté, des arbres et des maisons de l’autre.
EXPOSITION
Scène 1 : Arlequin et son maître échouent sur l’Île des esclaves, une île occupée depuis 100 ans par des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres. Arlequin en profite pour prendre le dessus sur son maître.
Scène 2 : Trivelin, chef des anciens esclaves révoltés, met en place un renversement des statuts en demandant aux maîtres et aux serviteurs d’échanger leurs noms, leurs statuts et leurs habits. Cet échange, qui va durer trois ans, a une vocation thérapeutique : il s’agit de donner « un cours d’humanité » destiné à « détruire la barbarie » pour que les maîtres, après avoir connu la situation d’esclaves, deviennent « humains, raisonnables et généreux. ».
PERIPETIES
Scène 3 : Trivelin demande à Cléanthis de faire le portait de sa maîtresse. Cette dernière met en évidence sa coquetterie et son obsession de plaire à tout prix. Elle la caractérise de « vaine, minaudière et coquette. ».
Scène 4 : Trivelin demande à Euphrosine de reconnaître la justesse de son portrait en échange d’une libération rapide.
Scène 5 : Même scène avec Arlequin, qui doit dresser le portait d’Iphicrate. Il met en avant les ridicules de son maître, qui les reconnaît d’abord à moitié puis entièrement.
Scène 6 : Arlequin et Cléanthis jouent leur rôle de maître et maîtresse. Ils feignent de se faire la cour en parodiant le langage galant de leur maître (théâtre dans le théâtre). Ils décident que Cléanthis épousera Iphicrate, tandis qu’Arlequin épousera Euphrosine.
Scène 7 : Cléanthis annonce à Euphrosine qu’elle souhaite la marier à Iphicrate (en réalité Arlequin). Elle essaie de lui prouver le « bon cœur » et la simplicité de celui-ci en opposition à ses courtisans habituels.
Scène 8 : Arlequin fait la cour à Euphrosine de manière maladroite mais sincère. Celle-ci lui fait part de son désarroi et de sa douleur.
DENOUEMENT
Scène 9 : Arlequin demande à Iphicrate d’aimer Cléanthis. Les deux personnages vont alors régler leurs comptes en se reprochant mutuellement leur ingratitude. Arlequin accorde finalement son pardon à Iphicrate, qui est ému par une telle générosité. L’inversion des rôles prend fin lorsqu’Arlequin rend ses habits à son maître.
Scène 10 : Cléanthis s’indigne du fait qu’Arlequin soit redevenu serviteur et dénonce le comportement des maîtres. Arlequin l’invite à accorder son pardon à Euphrosine. La réconciliation générale a lieu.
Scène 11 : Trivelin tire la leçon de l’expérience et autorise les quatre naufragés à repartir vers Athènes.

6) Les grands thèmes de l'oeuvre

Elle est le premier volet d’une sorte de trilogie dans l’œuvre de Marivaux, que l’on nomme « comédies sociales » pour les distinguer des comédies sentimentales : L’Île de la raison ou les Petits hommes en 1727 et La Nouvelle Colonie ou la ligue des femmes en 1729 (devenue La Colonie en 1750). Ces deux pièces n’auront pas le même succès.
- L’utopie du monde inversé permet une remise en cause sociale.
- La comédie respecte la règle classique des trois unités : un lieu, l’île, une journée, une action concentrée autour du schéma utopique de l’échange des rôles entre maîtres et valets.
- Le dénouement rétablit la hiérarchie initiale, même si les personnages sont transformés par l’épreuve salutaire qu’ils viennent de vivre.

Pour conclure, la pièce de Marivaux est une pièce très courte et pourtant riche du point de vue de l'analyse sociale. Le motif de l'île est encore fréquemment présent aujourd'hui dans de nombreuses télé-réalités, ce qui après la lecture de la pièce de Marivaux, peut nous conduire à une réflexion éclairée.

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