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La Vie devant soi

Romain Gary, publié sous le pseudonyme d'Emile Ajar en 1975

1) Le titre de l’œuvre

La Vie devant soi

2) Le nom de l’auteur

Romain Gary

3) La date de parution

Le roman a été publié sous le pseudonyme d’Emile Ajar en 1975.

4) Le contexte

Romain Gary a décidé d’utiliser le pseudonyme d’Emile Ajar pour donner un nouveau souffle à sa carrière littéraire. Ce pseudonyme lui a permis d’obtenir une seconde fois le prix Goncourt. Paul Pavlowitch, son petit-cousin, incarnait physiquement Emile Ajar pour les événements publics ou les interviews avec la presse. La supercherie n’a été révélée qu’après la mort de Roman Gary en 1980.

5) Les personnages principaux

Madame Rosa est une vieille dame juive, ancienne prostituée, qui s’occupe d’enfants d’autres prostitués.
Momo, le narrateur, est un enfant recueilli par Madame Rosa, de confession musulmane, qui croit avoir 10 ans mais qui a en réalité 14 ans (Madame Rosa le rajeunissait pour le garder plus longtemps avec elle).
Monsieur Hamil d’origine algérienne, échange beaucoup avec Momo et le pousse à s’interroger sur le sens de la vie, du bonheur et de l’amour.
Madame Lola est un travesti, voisine de Madame Rosa, qui va aider Momo dans les moments difficiles.

6) Le résumé de l’intrigue romanesque

Le roman raconte l’histoire de Momo, jeune garçon recueilli par Madame Rosa, qui va rester à ses côtés jusqu’à sa mort.

7) Les grands thèmes de l’œuvre

Tout d'abord, c'est le thème universel de l’amour qui est abordé de manière originale dans ce roman. Se pose également la question de la vieillesse et de sa place dans la société. Le roman met aussi en lumière la question de la prostitution et permet d'avoir un autre angle de réflexion. On peut enfin s'interroger sur la déportation, l’immigration ou encore la religion à travers l'histoire de Momo et ses questionnements.

8) Les spécificités de l’écriture

a) Il s’agit d’un roman qui se sert du comique pour traiter des sujets sérieux.
• Présence de nombreux gags burlesques et exploitation des ressources visuelles : par exemple, Mme Rosa est déménagée comme un piano par les frères Zaoum ;
• Nombreux quiproquos (confusion entre deux situations ou interversion de deux personnages) :
- La visite de Monsieur Charmette à Mme Rosa, a priori conviviale, se mue en supplice pour l’intéressée. Charmette devient une allégorie menaçante de la mort.
- Avec Youssef Kadir, Madame Rosa crée le quiproquo en intervertissant un enfant à un autre.
- La scène où intervient Youssef Kadir parodie les scènes de reconnaissance qui servent fréquemment de dénouement : elle est fondée sur le retournement qui remplace l’effusion euphorique attendue par une double répudiation horrifiée (du père par le fils ou du fils par le père).
- Le topos littéraire du retour au lieu béni de la jeunesse est présent : revenue dans les quartiers où s’est écoulé son passé, Rosa éprouve un sincère attendrissement. Or, il s’agit d’un parcours dans les rues de la prostitution.
- Le projet de mariage entre Hamil et Rosa constitue une parodie du roman d’amour : Momo imagine Hamil sur des brancards pour la proposition.
- Utilisation du rabaissement burlesque (trivialité, référence au bas du corps) : par exemple, la demande filiale de Momo se traduit au début par une diarrhée persistante. Ce thème devient comique par son exagération et son extension. Mme Rosa fait même allusion à la défaite française pendant la Seconde Guerre mondiale où il aurait fallu faire pareil pour faire fuir les Allemands.
• L’ironie et humour relèvent de la fausse candeur du narrateur :
- Présence de stéréotypes adultes : les travailleurs immigrés attrapent des maladies avant de venir en France pour bénéficier de la sécurité sociale, préjugés sur les religions.
- Réactions qui lui semblent normales : racisme (insultes à l’école).
- Humour noir : par exemple, lorsque tout le monde se réjouit lorsque l’on apprend que Rosa n’a pas un cancer.

b) La narration est une narration orale dont on ne sait pas exactement à qui elle s’adresse. A la fin, on apprend que Momo développe son récit pour sa nouvelle famille, Nadine et le docteur Ramon. Mais cela semble parfois peu probable (récit déjà effectué auparavant, maintien du suspense sur l’âge, présence du personnage de Nadine).
• Momo emploie constamment des termes familiers, populaires ou même grossiers : copains, chier, con cul, etc. L’argot (langage propre à un groupe de personne) n’apparaît guère, sauf lorsqu’est évoqué le milieu des drogués (« la Marie », « se kickent »). Ainsi le vocabulaire de la prostitution se cantonne aux termes entrés dans le langage populaire : « maquereau », « pute ». Quand Momo se risque à employer un mot qu’il considère comme recherché ou savant, il prend ses distances avec lui, le déforme parfois (« proxynète », « état d’habitude », « amnistie » pour « amnésie », etc.).
• La syntaxe de Momo relève aussi du français parlé populaire avec des tournures relâchées et des infractions à la règle : on rencontre souvent une absence de négation, l’accord de l’adjectif attribut est fait selon le sens et non selon la grammaire (« tout le monde était égaux »), la concordance des temps n’est pas toujours maîtrisée et respectée, il y a problèmes d’accord, on rencontre une mauvaise utilisation de l’interrogation indirecte, la ponctuation respecte la forme de l’élan oral et ne respecte pas les règles de l’écrit, notamment avec les virgules.
• Plus encore qu’à une volonté de contester le langage, cette généralisation du français populaire obéit surtout à une exigence de vraisemblance psychosociologique.
• Le langage de La Vie devant soi dénonce aussi le piège des mots que leur usage codifié prive d’authenticité et rend inapte à toute communication véritable : par exemple, on a des expressions figées que dénonce Momo : « On a dormi à côté du sommeil du juste. Moi j'ai beaucoup réfléchi là-dessus et je crois que Mon¬sieur Hamil a tort quand il dit ça. Je crois que c'est les injustes qui dorment le mieux, parce qu'ils s'en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l'œil et se font du mauvais sang pour tout. ».
• Sans jouer avec l’absurde, le recours au paradoxe bouscule la logique courante en proposant le contraire de l’opinion répandue. Il s’agit de faire advenir une vérité plus profonde : par exemple, une analyse du conflit israélo-palestinien qui peut faire réfléchir : « et si les Juifs et les Arabes se cassent la gueule, c'est parce qu'il ne faut pas croire que les Juifs et les Arabes sont différents des autres, et c'est justement la fraternité qui fait ça. ».

Pour conclure, le roman La Vie devant soi est un roman complexe, avec différents niveaux de lecture. Ces notes ont été inspirées par l’ouvrage de Éliane Lecarme-Tabone sur La Vie devant soi.

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